22/07/2018
John Williams : Butcher’s Crossing
John Edward Williams (1922-1994), est un universitaire, poète et écrivain américain. Après des études supérieures à l'université de Denver, il poursuit ses études à l'université du Missouri et décroche un PhD en littérature anglaise en 1954. A partir de l'automne 1955, il enseigne la littérature et l'écriture créative à l'université de Denver. Son œuvre est courte, deux recueils de poèmes ainsi que quatre romans et en laisse un inachevé. Butcher’s Crossing son second roman date de 1960, traduit en 2016, il vient d’être réédité en collection de poche.
Seconde moitié du XIXème siècle. William Andrews abandonne ses études à Harvard et quitte Boston avide de découvrir l’Ouest sauvage. A Butcher’s Crossing, un bled du Kansas, avec ses économies il finance une expédition de chasse aux bisons avec Miller, un chasseur expérimenté, Charley Hodge son pote estropié chargé de conduire le chariot et faire la cuisine, Fred Schneider l’écorcheur. Depuis une petite dizaine d’année, Miller rêve de retourner dans le Colorado où il connait une vallée encaissée entre les montagnes où vit un énorme troupeau de bisons dont les peaux promettent de substantiels bénéfices…
Je pensais avoir déjà lu le meilleur du Nature Writing, ce roman de John Williams – écrivain qui m’était inconnu jusqu’alors – m’a sévèrement remis à ma place ! Quel roman ! Quelle claque !
Les quatre hommes partis vers une sorte de Shangri-La, où vivrait à l’écart du monde et des chasseurs un immense troupeau de bisons dont seul Miller connait l’existence, vont affronter de nombreux déboires. Pourtant, ce qui ressemblait à un rêve de fou, va s’avérer réalité. Les animaux coincés dans la vallée seront abattus un à un par le chasseur, plusieurs milliers de bêtes, aussitôt écorchées sur place, les peaux mises à sécher (Dan O’Brien a dû pleurer de rage en lisant ce bouquin). Mais alors que leur fortune semble faite, Miller aveuglé par son ambition et refusant d’écouter Schneider le poussant à rentrer chez eux, le groupe se laisse surprendre par le blizzard et une tempête de neige qui ferme la vallée et les obligera à passer l’hiver sur place, dans des conditions précaires. Le dégel venu, les gars chargés d’une partie des peaux retournent à Butcher’s Crossing ; ce qu’ils ont déjà enduré ne sera rien à côté de la cruelle désillusion qui les attendra au terme de leur périple.
Tout est magnifique dans ce bouquin. L’écriture est sublime, riche en détails sentant le vécu dans l’aspect pratique de la vie des chasseurs ; les notations liées aux décors, aux sons et même aux odeurs vous font réellement croire que vous êtes aux côtés des acteurs. Il n’y a pas une ligne en trop, aucune digression stérile, c’est étrangement dense et aéré à la fois, très prenant et difficile à lâcher tant on s’attache à ces hommes et leur aventure harassante.
Les caractères des acteurs forment un tout très réussi : Miller, le trappeur qui connait la nature sur le bout des doigts, aguerri à cette vie difficile et riche en pièges, animé par cette quête qu’il rumine depuis tellement longtemps, prêt à tous les sacrifices pour réaliser son rêve ; Charley Hodge son vieux copain, estropié par cette nature qui sait être terrible, partage son temps libre entre whisky et Bible ; Schneider, l’écorcheur chargé d’éplucher les bisons pour récupérer les peaux, il est là pour le fric, toujours à ricaner ; enfin Will, le héros de cette histoire et de ce périple initiatique, innocent dans tous les sens du terme et issu de la bourgeoisie bostonienne, son désir de nature et de liberté peut s’apparenter ( ?) dans l’esprit de l’écrivain, à ce mouvement qui agitait la jeunesse du début des années 60, tout quitter et partir sur les routes… « Il aspirait à retrouver la source et l’essence du monde. »
Ceux qui reviendront de cette odyssée auront la malheureuse surprise de constater que le monde a changé durant leur absence, l’économie de l’an passé n’est plus celle d’aujourd’hui, un genre de krach économique a frappé, rendant leur espoir de butin vain. Mais pour Will, l’important est ailleurs, désormais un homme, un vrai, une nouvelle vie va commencer, rien dans les poches mais l’esprit libre…
Ma-gni-fi-que !
« Miller se crispa et toucha le bras d’Andrews. « Regarde ! » Il montrait le sud-ouest. Une masse noire se déplaçait dans la vallée, sous les pins sombres du versant opposé. Andrews plissa les yeux. Le bord de la tache ondulait légèrement, puis la tache elle-même se mit à palpiter comme un immense plan d’eau remué par d’obscurs courants. La tache, qui paraissait petite à cette distance, devait mesurer plus de mille six cents mètres de long sur hit cents de large, pensa Andrews. « Des bisons, chuchota Miller. – Mon Dieu ! Combien y en a-t-il ?- Deux à trois mille, sans doute. Peut-être plus. »
John Williams Butcher’s Crossing 10-18 - 332 pages –
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jessica Shapiro
07:26 Publié dans NATURE WRITING | Tags : john williams, dan o’brien | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |